Lula : le Parti des travailleurs brésilien orphelin de son héros

05 - Avril - 2018


La condamnation de l’ex-président Lula à la prison fragilise la grande formation de gauche. Une partie du vote protestataire pourrait aller à l’extrême droite.


Né à la fin de la dictature militaire (1964-1985) pour défendre les droits de ceux que le Brésil avait marginalisés, érigé en machine de pouvoir au début des années 2000, vilipendé par ses adversaires comme étant le « syndicat du crime » ces dernières années, le Parti des travailleurs (PT, gauche) subit, avec l’emprisonnement de sa figure la plus charismatique, un choc dont il pourrait ne pas se relever.
En refusant d’accorder l’habeas corpus à Luiz Inacio Lula da Silva, obligeant l’ancien chef d’Etat à se soumettre à sa condamnation à plus de douze ans de prison, mercredi 4 avril, la Cour suprême prive le PT de son héros.


Infatigable tribun, Lula a mené jusqu’ici la campagne pour l’élection présidentielle d’octobre, dont il est le favori avec plus de 35 % des intentions de vote. Faisant mine de mépriser la justice, l’ancien syndicaliste a traversé le Brésil à bord de sa caravane, suscitant sur son passage l’adoration des uns et la haine des autres. Une seule fois, le 24 mars, l’ex-métallo de 72 ans aura murmuré le nom de son éventuel successeur : Fernando Haddad, l’ancien maire de Sao Paulo, affirmant qu’eux deux formaient une équipe comparable au duo du FC Barcelone Lionel Messi et Luis Suarez.

Cet adoubement bien tardif confirme la « Lula-dépendance » du PT. En écartant Lula de la course à la présidence, le PT ne récolterait, avec M. Haddad, que 3 % des suffrages, selon un sondage de l’institut Datafolha de décembre 2017.
Parti usé par le pouvoir
Le score confirmerait la déconfiture du principal parti de gauche après l’échec des élections municipales de 2016, où le PT avait perdu 60 % de ses mairies. De fait, si le charme de Lula opère encore, il n’efface pas les critiques envers un parti usé par treize années de pouvoir, blâmé pour n’avoir pas tenu toutes ses promesses et abîmé par les scandales de corruption. La destitution de la présidente Dilma Rousseff en 2016, la politique ultralibérale et les affaires rocambolesques de pots-de-vin touchant le gouvernement de son successeur, Michel Temer, ont relativisé les travers du PT, mais sans Lula la gauche se sent orpheline.
A en croire Lincoln Secco, auteur d’une Histoire du Parti des travailleurs au Brésil (éditions du Sextant, 2016), le vide pourrait être dangereusement comblé par l’extrême droite : « Les votes de Lula pourraient se diviser. Une partie votera pour le PT, une autre pour Jair Bolsonaro [le candidat d’extrême droite] qui attire le vote protestataire bien que son discours soit confus et fasciste. Enfin, une autre partie plus significative ne votera pas. »
L’abstention accentuée par l’écœurement visant l’ensemble de la classe politique ne fera, selon lui, qu’augmenter les chances de l’ancien militaire défenseur de la peine de mort et du port d’arme, crédité aujourd’hui de 20 % des intentions de votes.

Autres actualités

17 - Mars - 2020

En Afrique, face au coronavirus, « 70 % de nos pays ne sont pas prêts »

L’économiste camerounaise Vera Songwe est depuis 2017 la secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations-unies pour l’Afrique (CEA), dont le...

05 - Mars - 2020

« Russie, Iran et Turquie auront beau multiplier les accolades au sommet, elles n’ont pas les mêmes desseins sur l’avenir de la Syrie »

Les guerres de Syrie ne sont pas terminées, loin de là. Imaginer un retour à la « normale », un Bachar Al-Assad régnant « comme avant » –...

05 - Mars - 2020

Les limites du modèle de santé américain face à la propagation du coronavirus

L’épidémie de coronavirus aux Etats-Unis a, à la date du 5 mars, fait onze morts et, selon des chiffres officiels, touché plus de 150 personnes, mais elle...

02 - Mars - 2020

Brexit : une saison 2 sous haute tension entre Britanniques et Européens

Saison 2 épisode 1. Lundi 2 mars a débuté à Bruxelles le premier cycle des négociations de la seconde phase du Brexit portant sur la relation future entre le...

02 - Mars - 2020

Coronavirus : l’épidémie provoque une baisse temporaire des émissions de CO2

Baisse de l’utilisation du charbon dans les centrales électriques, taux d’exploitation des raffineries de pétrole dans la province du Shandong, dans l’est de la...