Nathalie Loiseau : « Nous avons fait le choix d’affronter la poussée nationaliste »

18 - Février - 2019

Diplomate de carrière, ancienne directrice de l’ENA, Nathalie Loiseau, 55 ans, a été nommée en juin 2017 ministre chargée des affaires européennes. Elle revient, dans un entretien au Monde, sur les défis de l’Europe et les enjeux du prochain scrutin européen, en mai.
Emmanuel Macron n’est-il pas trop esseulé en Europe ?

Nous travaillons avec tous les pays de l’UE. Pour nous, le projet européen est un projet de partage, pas de division. Cela ne nous empêche pas d’avoir des désaccords avec les gouvernements nationalistes. Nous avons, par exemple, des inquiétudes sur le risque de violation de l’Etat de droit en Pologne, en train d’être évalué par le Conseil. Mais cela n’empêche pas la Pologne d’être d’accord avec la France sur la politique agricole commune ou d’autres sujets liés au prochain budget et à la taxation des géants du numérique.

Ce que l’on vit dans les rapports franco-allemands est le contraire de ce que les Cassandre avaient prédit. L’Allemagne s’est ainsi ralliée à notre proposition d’un budget de la zone euro. Cela ne va certes pas aussi loin que ce que la France propose, mais c’est un premier pas significatif. Ce budget, cela fait dix ans qu’on en parle, et il est désormais réalité. En matière de défense aussi, nous avons obtenu davantage en dix-huit mois qu’en plusieurs décennies. La semaine dernière encore, des avancées ont eu lieu, avec l’interdiction de la pêche électrique dans l’UE, la création d’une Autorité européenne du travail, qui viendra garantir le respect des règles sociales par tous, ou encore les progrès en faveur de la protection des droits d’auteur.
Le clivage évoqué par Emmanuel Macron entre nationalistes et progressistes est-il désormais mis en sourdine ?

Il n’est pas artificiel et il n’est pas abandonné. Ne pas voir qu’il y a aujourd’hui une poussée nationaliste, extrémiste et démagogue en Europe, c’est ne pas avoir d’yeux pour voir. Lorsque Emmanuel Macron a parlé d’une « lèpre qui monte », il a nommé ce qui se passait, sans avoir peur de le dire et avec envie de la combattre. Jusqu’à présent, certains en Europe avaient préféré fermer les yeux et se boucher les oreilles. Ce silence s’est traduit par une montée de mouvements autoritaires.

« Le premier parti français représenté à Strasbourg est le Rassemblement national, qui n’est nulle part si ce n’est dans les enquêtes judiciaires pour emplois fictifs de collaborateurs »

Il y a aujourd’hui un vent mauvais qui souffle sur le continent. Face à cela, deux attitudes sont possibles : mettre la tête dans le sable en espérant tirer son épingle du jeu ou prendre le risque d’affronter ce vent mauvais en s’exposant aux critiques, à la violence verbale – et pas seulement – de certains de nos adversaires. C’est ce choix que nous avons fait.

Autres actualités

07 - Avril - 2020

Génocide des Tutsi au Rwanda : la commission de recherche détaille sa méthode et ses moyens

Une méthodologie stricte et rigoureuse mais aucune révélation pour l’instant. Comme elle s’y était engagée, la commission de recherche sur les...

07 - Avril - 2020

Coronavirus : Singapour face à une « deuxième vague »

Les spécificités d’un « modèle » singapourien vanté pour son efficacité dans la lutte contre la prolifération du Covid-19 sont...

06 - Avril - 2020

Rama Yade : « Seule l’Afrique, avec sa jeunesse en perpétuel mouvement, apparaît en capacité de penser la destinée collective de l’humanité »

Pour l’ancienne secrétaire d’Etat, l’Afrique peut présenter dès maintenant un agenda de rupture pour relancer le multilatéralisme. Ce continent...

06 - Avril - 2020

En Angola, la population traîne les pieds face à l’état d’urgence contre le coronavirus

C’est le cri du cœur et du ventre, partagé dans toute l’Afrique par la population des villes soumises à l’état d’urgence, au confinement ou au...

04 - Avril - 2020

Keir Starmer élu à la tête du Parti travailliste britannique

Les adhérents du Parti travailliste britannique ont désigné, samedi 4 avril, le centriste et europhile Keir Starmer comme nouveau chef pour succéder au très...