Selon le leader du Hamas, Yahya Sinouar, Gaza est « un tigre affamé »
Il arrive sourire aux lèvres, veste grise sur chemise sombre, yeux perçants et barbe blanche, puis salue l’assistance de quelques mots courtois. Les coupures de courant, lors de son allocution, ne lui inspirent aucune irritation. Ainsi va la vie à Gaza.
Rompu à la clandestinité, détenu pendant près d’un quart de siècle dans les prisons israéliennes, Yahya Sinouar n’aime pas les caméras. Il se montre pourtant à l’aise, en ce jeudi 10 mai, lors de sa première rencontre avec des journalistes étrangers depuis sa désignation comme chef du Hamas à Gaza, il y a quinze mois.
La curiosité est grande. C’est lui qui pousse le mouvement islamiste, maître affaibli d’un territoire à l’agonie, sur deux voies délicates : la réconciliation avec le Fatah du président Mahmoud Abbas, actuellement dans l’impasse, et la « résistance populaire ». « Nous croyons que s’il y a un moyen de résoudre pacifiquement le conflit [avec Israël] sans causer de destructions, ça nous convient », dit-il.
Délaissant pour l’heure la lutte armée, le Hamas a choisi de soutenir la « marche du grand retour », qui mobilise des milliers de Gazaouis, chaque vendredi, depuis le 30 mars, à la frontière avec l’Etat hébreu. A ce jour, les soldats israéliens ont tué quarante-huit personnes et blessé par balles plus de deux mille autres.
Voici qu’approche le grand final de cette mobilisation, les 14 et 15 mai, à l’occasion du déménagement de l’ambassade américaine à Jérusalem, puis de la commémoration de la Nakba, l’exode de centaines de milliers de Palestiniens lors de la création d’Israël, en 1948. L’hypothèse d’un bain de sang sans précédent, au cas où les manifestants tenteraient massivement de franchir la clôture, est évoquée de part et d’autre. « Ces barbelés ne sont pas une vache sacrée ou un tabou auquel personne ne pourrait toucher », souligne Yahya Sinouar. « Quel est le problème si des centaines de milliers [de manifestants]...