Terrorisme : pour contourner le chiffrement des messages, Bernard Cazeneuve en appelle à l’Europe

24 - Août - 2016

Terrorisme : pour contourner le chiffrement des messages, Bernard Cazeneuve en appelle à l’Europe

Les enquêtes antiterroristes achoppent trop souvent sur des messages chiffrés, transitant sur des applications comme Telegram ou WhatsApp, et illisibles pour les enquêteurs. Cette idée, dans l’air depuis plusieurs semaines, a été reprise, mardi 23 août, par Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur, lors d’une conférence commune avec son homologue allemand, Thomas de Maizière.

« Les échanges de plus en plus systématiques opérés via certaines applications, telles que Telegram, doivent pouvoir, dans le cadre des procédures judiciaires, être identifiés et utilisés comme des éléments de preuve par les services d’investigations et les magistrats », a expliqué M. Cazeneuve, qui veut « armer véritablement nos démocraties sur la question du chiffrement ».

Le ministre français s’est félicité de la collaboration avec certains réseaux sociaux américains, comme Twitter, mais a clairement ciblé la messagerie Telegram, très prisée des djihadistes et auprès de laquelle « les Etats ne disposent d’aucun interlocuteur ». Contacté par Le Monde, Telegram n’a pas donné suite à nos sollicitations.

Lire aussi : Telegram, un outil de discussion prisé des djihadistes… mais pas seulement

Conscient qu’une réponse nationale est vaine dans un paysage dominé par des entreprises étrangères (WhatsApp ou Twitter sont américains, Telegram est d’origine russe), le ministre a précisé « l’initiative européenne » qu’il appelait de ses vœux il y a quelques jours. Il suggère que « la Commission européenne étudie la possibilité d’un acte législatif pour rapprocher les droits et les obligations de tous les opérateurs ». L’idée étant donc de faire en sorte que les messageries installées sur les téléphones soient soumises aux mêmes obligations de coopération que des services de télécommunication, comme les opérateurs téléphoniques. Les contours que pourrait prendre cette mesure, et les obligations qu’elle emporterait en matière de chiffrement, restent flous. Cette question devrait être à l’agenda du prochain sommet des chefs d’Etat de l’Union européenne, le 16 septembre.

L’agence de presse Reuters s’est justement procuré, il y a quelques jours, un document de la Commission européenne dans lequel cette dernière réfléchissait à rénover le cadre légal s’appliquant aux télécoms pour pouvoir y soumettre des acteurs comme Telegram. Avec, in fine, la possibilité de s’assurer une meilleure coopération de ces derniers et de pouvoir « déchiffrer des messages dans le cadre d’enquêtes judiciaires ».

M. Cazeneuve a insisté sur la nature « judiciaire » d’un éventuel accès aux messages protégés. Traduction : ce nouvel outil serait mis dans les mains des juges et des enquêteurs qu’ils mandateraient, et pas dans celles des services de renseignement, travaillant en amont.
Un chiffrement très robuste

Il sera cependant délicat de s’assurer d’un accès total et systématique aux discussions protégées par la cryptographie. Plusieurs applications de messagerie ont, en effet, mis en place une technologie de chiffrement dit « de bout en bout » : même eux ne peuvent accéder aux données qu’échangent leurs utilisateurs. C’est le cas de certaines discussions sur Telegram, et de toutes celles sur WhatsApp.

« Que les choses soient bien claires pour éviter toute polémique inutile. Il n’a, bien sûr, jamais été question de remettre en cause le principe du chiffrement des échanges », a d’emblée précisé le ministre. La veille, le Conseil national du numérique, organe consultatif placé auprès du premier ministre, publiait avec la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés une tribune dans Le Monde, mettant en garde le gouvernement contre ses velléités contre le chiffrement des messages.

Autres actualités

05 - Juillet - 2019

Comment militaires et opposants se sont mis d’accord sur la transition politique au Soudan

La peur du pire et les efforts fournis pour harmoniser les circuits de médiation ont fini par porter leurs fruits : dans la nuit de jeudi 4 à vendredi 5 juillet, les deux camps...

05 - Juillet - 2019

Grèce : Kyriakos Mitsotakis, l’héritier qui veut être un premier ministre « normal »

L’air décontracté, la chemise bleu ciel aux manches retroussées, Kyriakos Mitsotakis, président de Nouvelle Démocratie (ND, droite), affiche un large...

04 - Juillet - 2019

Les migrants bloqués en Libye « ont le choix entre errer en Méditerranée ou mourir bombardés »

Alors que le bombardement aérien d’un centre de détention de migrants près de Tripoli a fait au moins 44 morts et plus de 130 blessés dans la nuit du mardi 2 au...

04 - Juillet - 2019

Sommet UA : dispositif « spécial » de milliers d’hommes pour rassurer les chefs d’Etat à Niamey

Les autorités nigériennes ont mis en place à Niamey un « dispositif spécial » de « plusieurs milliers d’hommes » pour assurer la...

03 - Juillet - 2019

Derrière les nominations à la tête de l’UE, le duo France-Allemagne à la manœuvre

La France et l’Allemagne peuvent célébrer la force de leur alliance dans le choix d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission, et de Christine Lagarde...