Yémen : les Etats-Unis inquiets de leur implication légale dans les frappes saoudiennes

11 - Octobre - 2016

Yémen : les Etats-Unis inquiets de leur implication légale dans les frappes saoudiennes

Selon des documents consultés par Reuters et les témoignages d’une douzaine d’anciens proches du gouvernement et du département d’Etat, des responsables américains s’inquiètent de l’implication légale des Etats-Unis dans des crimes de guerre au Yémen.

Les documents consultés par l’agence de presse datent de mi-mai 2015 à février 2016, une période pendant laquelle le département d’Etat a relu et approuvé des contrats d’armement en faveur de l’Arabie Saoudite d’une valeur totale de 22,2 milliards de dollars. Certaines de ces ventes étaient spécifiquement destinées à soutenir l’engagement militaire au Yémen, comme la vente de munitions d’une valeur de 1,3 milliard de dollars en novembre 2015.

Lancée en mars 2015, l’intervention militaire saoudienne avait pour but de contrer la rébellion houthie et de replacer au pouvoir le président Abd Rabbo Mansour Hadi, chassé par les rebelles. Le conflit a fait au moins 10 000 morts et 3 millions de déplacés, selon l’ONU.

Selon des emails et des enregistrements obtenus par Reuters et l’appui de témoignages de responsables passés et présents, le département d’Etat a également émis, en privé, de séreux doutes sur la capacité des militaires saoudiens à viser les militants houthis sans faire de victimes civiles ni détruire des « infrastructures essentielles ».
Le statut discuté de « cobélligérant »

Selon ces témoignages, les avocats du gouvernement n’ont finalement pas réussi à trancher sur le statut des Etats-Unis dans la campagne aérienne des Saoudiens. S’il avait été établi que les Etats-Unis étaient « cobelligérants » au regard du droit international, Washington aurait dû enquêter sur les accusations de crimes de guerre qui pèsent sur l’Arabie Saoudite. Des responsables militaires auraient également, en tout cas en théorie, couru le risque de poursuites judiciaires.

Un email consulté par Reuters mentionne explicitement une décision de 2013 qui élargit en droit la responsabilité dans les crimes de guerre. Il s’agit du jugement prononcé par une cour spéciale créée après la guerre civile en Sierra Leone, qui a condamné l’ancien président Libérien Charles Taylor. Le jugement de cette cour, soutenue par l’ONU, précise que « l’aide pratique, l’encouragement et le soutien moral » suffisent pour être désigné responsable d’un crime de guerre. Le procureur n’a pas besoin de prouver l’implication du « complice » dans un crime spécifique.
Des demandes répétées pour éviter les pertes civiles

Alors qu’une frappe faisant 140 victimes civiles, samedi 8 octobre, a poussé Washington à revoir sa position de soutien à l’Arabie Saoudite pour « mieux correspondre aux intérêts, aux valeurs et aux principes des Etats-Unis », les documents consultés par Reuters montrent l’effort des Etats-Unis, dès le mois d’août 2015, pour tenter de convaincre les Saoudiens d’éviter les victimes civiles.

Washington a, par exemple, envoyé un expert stratégique et fait parvenir à l’Arabie Saoudite des listes détaillées de sites à épargner. L’une de ces listes, envoyée à l’automne 2015, incluait des centrales électriques et des infrastructures essentielles à la distribution d’aide humanitaire. Mais déjà les responsables américains craignaient que les Saoudiens n’aient pas les moyens techniques de les éviter. Selon un témoignage recueilli par Reuters, le principal pont reliant le port de Hodeidah à la capitale Sanaa, détruit en août, figurait sur l’une de ces listes.

Dans une réunion tenue en octobre 2015, un spécialiste de la protection des civils du département d’Etat a reconnu que les frappes saoudiennes n’étaient pas « volontairement indiscriminées » mais que leur caractère indistinct était lié à un « manque d’expérience dans le largage de munitions et le tir de missiles. » Une situation encore accentuée par « l’asymétrie sur le terrain », les rebelles étant « mêlés aux populations civiles », cela étant conjugué à « des services de renseignement faibles ».

Autres actualités

20 - Août - 2018

Une commission sud-africaine examine les accusations de corruption contre Jacob Zuma

L’ancien président est soupçonné d’avoir accordé de juteux contrats publics et des avantages indus à une famille d’hommes d’affaires,...

20 - Août - 2018

« Kofi Annan a contribué à placer l’Afrique au centre de la scène mondiale »

Carlos Lopes, ancien secrétaire exécutif de la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique, rend hommage à son ami et mentor. Tribune. Les hommages...

18 - Août - 2018

Mort de Kofi Annan, ancien secrétaire général de l’ONU et prix Nobel de la paix

Kofi Annan est mort samedi 18 août, ont annoncé sa famille et la Fondation Kofi Annan, dans un communiqué commun. L’ancien secrétaire général des...

18 - Août - 2018

Erdogan assure la Turquie ne se « livrera pas » aux Etats-Unis

Alors que la livre turque a replongé vendredi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a défié les Etats-Unis au congrès de son parti, samedi. « Nous...

17 - Août - 2018

Madagascar : le président Hery Rajaonarimampianina candidat à un second mandat

Treize dossiers de candidature ont déjà été déposés auprès de la Haute Cour constitutionnelle pour l’élection prévue le 7...