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En Alabama, la victoire démocrate est un revers politique majeur pour Trump

13 - Décembre - 2017

Doug Jones a battu l’ultraconservateur Roy Moore : jamais depuis 1992 un démocrate n’avait été élu sénateur dans cet Etat du sud des Etats-Unis.

L’Alabama a dit non. Cet Etat sudiste a infligé, mardi 12 décembre au soir, un cuisant revers au candidat républicain Roy Moore à qui était pourtant promis un siège au Sénat des Etats-Unis à l’issue des primaires du Grand Old Party, en septembre. Avec 48,4 % des voix, l’écart qui le sépare du vainqueur, le démocrate Doug Jones (49,9 %), peut paraître faible, ce qui a d’ailleurs poussé le républicain à ne pas reconnaître immédiatement sa défaite. Rapporté à la mainmise républicaine sur cette terre qui compte parmi les plus conservatrices du pays, ce revers constitue néanmoins un véritable séisme qui n’épargne pas le président Donald Trump.
Personnalité particulièrement controversée, évincé à deux reprises de la Cour suprême de l’Alabama pour avoir refusé d’appliquer la loi au nom de ses convictions de chrétien fondamentaliste, Roy Moore avait été mis en cause en novembre par le Washington Post pour des relations inappropriées avec des mineures survenues quatre décennies plus tôt. L’ancien juge avait nié avec énergie avoir commis la moindre faute et dénoncé un complot d’« élites » contre « un peuple de l’Alabama » qu’il prétendait incarner. Le Parti républicain s’était divisé, la branche locale se rangeant majoritairement derrière son candidat pendant que de nombreux élus du Congrès l’invitaient, au contraire, à se retirer, même s’il était trop tard pour lui substituer quelqu’un d’autre.
Référendum sur « le programme de Donald Trump »
Prise de court, la Maison Blanche s’est tenue dans un premier temps à une prudente réserve, jugeant qu’il appartenait aux électeurs de l’Etat de trancher. Puis Donald Trump a décidé de s’engager aux côtés de Roy Moore, tout d’abord en mettant l’accent sur ses démentis, en dépit d’une accumulation troublante de témoignages, puis en jugeant prioritaire la conservation d’un siège républicain au Sénat. Le Parti républicain n’y disposait en effet que de deux voix d’avance.
Cet argument de vote utile, répété par le président comme par le candidat qui évoquait un référendum sur « le programme de Donald Trump », s’est heurté à la vague soulevée par l’affaire Harvey Weinstein. Elle a détourné de Roy Moore une partie du vote républicain, majoritairement féminin selon des sondages de sortie des urnes cités par la chaîne CNN. Cet électorat s’est réfugié dans l’abstention ou dans le write-in : la possibilité d’ajouter le nom de son choix au bulletin de vote. A titre de comparaison, Donald Trump l’avait emporté en 2016 dans cet Etat avec près de 30 points d’avance sur Hillary Clinton, et le dernier démocrate de l’Alabama élu au Sénat, en 1986, avait rejoint les rangs républicains deux ans après sa réélection en 1992.
La défaite essuyée par Roy Moore touche donc de plein fouet le président, qui peut mesurer la relativité de ses appels à la mobilisation. M. Trump avait d’ailleurs déjà souffert un premier revers lors des primaires en soutenant un candidat qui avait été sèchement écarté par Roy Moore. Le président avait immédiatement tourné casaque et apporté son soutien à l’ancien juge. Il a récidivé mardi soir en saluant aussitôt sur son compte Twitter la victoire du démocrate, dont il avait pourtant dit pis que pendre les jours précédents, y compris au cours d’un meeting organisé le 8 décembre à Pensacola, en Floride, à quelques kilomètres seulement de l’Alabama. « Une victoire est une victoire », a assuré Donald Trump, indifférent à la résistance de l’équipe de campagne de Roy Moore, qui a évoqué de son côté un recomptage des voix.
En décidant de soutenir Roy Moore, forçant le Comité national républicain, la plus haute instance du Grand Old Party, à reprendre le financement de sa campagne, Donald Trump avait également arbitré en faveur de son ancien conseiller stratégique, Stephen Bannon, qui comptait faire de l’élection de l’ancien juge la première étape d’une offensive tous azimuts contre la direction républicaine au Congrès, incarnée par le chef de la majorité sénatoriale, Mitch McConnell.
« Décence »
L’issue de cette élection souligne la vanité de l’entreprise du patron du site ultranationaliste Breitbart News, qui avait battu les estrades aux côtés de l’ancien juge. Elle met fin aux revers en série enregistrés par l’aile modérée du Parti républicain, de nombreux élus ayant annoncé leur départ lors des élections de mi-mandat, en novembre 2018, face à la perspective de primaires internes acharnées. L’un d’eux, le sénateur Jeff Flake (Arizona), qui s’était attiré les sarcasmes de l’équipe Moore en envoyant un chèque de 100 dollars à leur adversaire démocrate, s’est félicité sur Twitter de la victoire de la « décence ».
L’élection de l’Alabama marque les limites du style de campagne populiste incarné par Donald Trump en 2016, qui avait déjà montré des faiblesses lors de l’élection pour le poste de gouverneur de Virginie, en novembre. Elle est comparable à celle, en décembre 2009, du républicain Scott Brown au siège de sénateur du Massachusetts longtemps occupé par le sénateur démocrate Ted Kennedy. Ce revers avait annoncé la déroute essuyée par Barack Obama lors des élections de mi-mandat, en 2010, sanctionnées par la perte de contrôle de la Chambre des représentants. Un précédent qui ne peut qu’inquiéter la Maison Blanche, alors que la liste des succès législatifs de la nouvelle administration est déjà des plus réduites.
Le Parti démocrate devrait s’efforcer d’exploiter au maximum le soutien apporté par Donald Trump à Roy Moore lors des élections de 2018. Le profil de Doug Jones ne leur offre en effet guère de recettes susceptibles d’être dupliquées. Démocrate modéré, alors que son parti est tenté par un virage à gauche, cet ancien juge a fait campagne en se distanciant au maximum de ses instances nationales.

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