En Ethiopie, les Oromo frappent à la porte du pouvoir

30 - Mars - 2018

L’Ethiopie à cran (1). Longtemps marginalisée, la plus grande communauté du pays espère que la coalition gouvernementale désignera un premier ministre issu de ses rangs.

A Jimma, dans la région Oromia, en Ethiopie, en 2011.
Isaac hésite. Parler de politique en Ethiopie, « c’est dangereux ». « Ici, la démocratie, ce n’est que de la théorie », affirme-t-il sur le campus de l’université de Jimma, dans la région Oromia, à 350 km d’Addis-Abeba. L’étudiant de 20 ans est oromo, comme plus du tiers de la population éthiopienne (94 millions d’habitants). Cette communauté, la plus grande du pays, était en première ligne de la contestation anti-gouvernementale qui a débuté en novembre 2015.
A Jimma, les étudiants ont été témoins de la répression des manifestations, qui a fait des centaines de morts à travers le pays. Des milliers d’entre eux ont protesté sur le campus, certains ont été battus, d’autres arrêtés. « Les Oromo ont été opprimés pendant longtemps » par les dirigeants tigréens, qui ne regroupent que 6 % de la population, râle Isaac. Malgré son amertume, il n’a pas perdu l’espoir. Pour lui, le prochain premier ministre doit être oromo. Son favori est donc « Dr Abiy ». « J’espère que les choses vont changer si c’est lui », lâche-t-il. Présentation de la série L’Ethiopie à cran
L’Ethiopie doit désigner son nouveau premier ministre après la démission surprise de Hailemariam Desalegn, le 15 février. Traditionnellement, la coalition au pouvoir depuis vingt-sept ans, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (EPRDF), choisit parmi les présidents des partis qui la composent, constitués sur une base communautaire et régionale. Les candidats seraient donc Shiferaw Shigute pour le Mouvement démocratique des peuples du sud de l’Ethiopie (SEPDM, le parti du premier ministre sortant), Demeke Mekonnen pour le Mouvement national démocratique amhara (ANDM), Debretsion Gebremichael pour le Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) – dont la candidature reste incertaine – et, enfin, Abiy Ahmed Ali pour l’Organisation démocratique des peuples oromo (OPDO).
Le protégé du « prophète »

« Dr Abiy », vice-président de la région Oromia, a été désigné président de l’OPDO le 22 février. Une annonce surprise puisque le nom du président de la région – qui était aussi celui du parti –, Lemma Megersa, était sur toutes les lèvres. Nommé à ce poste fin 2016 alors que l’Ethiopie venait de déclarer un premier état d’urgence – en vigueur jusqu’en août 2017 –, il a engagé avec son équipe une série de réformes très appréciées. Sa popularité auprès des Oromo est telle que certains vont jusqu’à le qualifier de « prophète ». « Lemma aurait été le candidat le plus fédérateur, mais il n’est pas membre du Parlement et n’est donc pas éligible », explique un observateur de la politique éthiopienne, qui voit dans cette décision une volonté du parti d’éliminer tout obstacle susceptible d’empêcher la désignation d’un premier ministre oromo.
D’autant que « Dr Abiy », 41 ans, est le « protégé de Lemma », pense Hassan Hussein, éditorialiste pour le site éthiopien d’information Opride (basé aux Etats-Unis). « Ils partagent les mêmes objectifs politiques : réformer le système, valoriser les Oromo et éliminer les causes sous-jacentes des manifestations. » « Sa nomination marquerait une étape cruciale pour l’EPRDF, en particulier dans le contexte plus large de la réforme politique [le gouvernement a libéré des milliers de prisonniers depuis janvier], car il ne serait pas perçu comme un choix du TPLF », accusé de monopoliser les postes clés du gouvernement, de l’armée, des organes de sécurité et de l’administration, analyse de son côté Ahmed Salim, vice-président de Teneo Intelligence, un cabinet de conseil spécialisé dans le risque politique. Hailemariam Desalegn, lui, n’a jamais réussi à se défaire de son image de « pantin » des dirigeants tigréens.

Autres actualités

02 - Mai - 2019

Exécutions en Arabie saoudite : « La paralysie et l’hypocrisie continuent de régner au sein des nations »

Après l’affaire Jamal Khashoggi [l’assassinat du journaliste saoudien à Istanbul en 2018], le royaume saoudien s’est retrouvé au pied du mur. Etre au ban...

01 - Mai - 2019

Julian Assange condamné à près d’un an de prison pour violation des conditions de sa liberté provisoire au Royaume-Uni

Le cofondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a été condamné à cinquante semaines de prison par un tribunal londonien, mercredi 1er mai, pour violation des conditions...

01 - Mai - 2019

En Algérie, le FLN élit Mohamed Djemai à sa tête

Le comité central du Front de libération nationale (FLN) a élu, mardi 30 avril, Mohamed Djemai, un homme d’affaires de 50 ans, au poste de secrétaire...

30 - Avril - 2019

Le chef djihadiste Abou Bakr Al-Baghdadi réapparaît et entérine la nouvelle stratégie de l’EI

Abou Bakr Al-Baghdadi n’était plus apparu en public depuis la proclamation du « califat » à la mosquée Al-Nouri, à Mossoul en Irak, en juin 2014....

30 - Avril - 2019

L’extrême droite entre au gouvernement en Estonie

Pour la cérémonie de prestation de serment du nouveau gouvernement estonien, lundi 29 avril, devant le Parlement, la présidente de la petite République balte, Kersti...