En Turquie, deux journalistes condamnés puis libérés

05 - Novembre - 2019

Incarcérés en 2016, condamnés à la perpétuité en 2018, une décision cassée en juillet, les journalistes turcs Ahmet Altan et Nazli Ilicak ont, au terme d’un nouveau procès, lundi 4 novembre, été déclarés coupables, d’avoir « délibérément aidé une organisation terroriste ». Condamnés à dix ans et six mois de prison pour Ahmet Altan, et à huit ans et neuf mois pour Nazli Ilicak, les deux journalistes ont vu dans le même temps le tribunal ordonner leur remise en liberté sous contrôle judiciaire en raison du temps déjà passé derrière les barreaux.

En juillet, la Cour de cassation était revenue sur leur condamnation à perpétuité, estimant qu’ils n’auraient pas dû être jugés pour « tentative de renversement de l’ordre constitutionnel » mais pour avoir « délibérément » aidé un « groupe terroriste », un chef d’accusation passible de peines plus légères.

Tous deux restent néanmoins accusés d’avoir aidé le prédicateur Fethullah Gülen, la bête noire du gouvernement, à fomenter la tentative de coup d’Etat de juillet 2016, ce qu’ils nient. Intellectuels respectés en Turquie, les deux prévenus ont toujours nié leur implication dans le putsch manqué, dénonçant des accusations « grotesques ». Ahmet Altan a raconté son quotidien en prison dans le livre, Je ne reverrai plus le monde, paru en France cet automne aux éditions Actes Sud.
« Messages subliminaux »

Ahmet Altan, 69 ans, et Nazli Ilicak, 74 ans, ont été arrêtés en septembre 2016 dans le cadre d’une vaste campagne de répression contre les intellectuels et les écrivains orchestrée par le président turc Recep Tayyip Erdogan après la tentative de putsch. Dès que les poursuites contre eux démarrent en 2016, leur dossier d’accusation est cousu de fil blanc, évoquant « les messages subliminaux » qu’ils auraient envoyés aux téléspectateurs lors d’un débat télévisé diffusé à la veille du putsch raté, un chef d’accusation qui a disparu par la suite.

Depuis le putsch raté, les purges n’ont jamais cessé. Au total, plus de 77 000 personnes ont été écrouées dans l’attente de leur procès et environ 150 000 fonctionnaires ont été licenciés ou suspendus de leurs fonctions pour leurs liens présumés avec le prédicateur Gülen, devenu l’ennemi numéro un du gouvernement islamo-conservateur après avoir été son plus proche partenaire.

En Turquie, l’accusation de collusion avec un ou plusieurs groupes terroristes sert le plus souvent d’habillage aux procès des intellectuels les plus critiques du régime absolutiste mis en place par le président Recep Tayyip Erdogan. Ecrivains, journalistes, universitaires sont régulièrement jugés sous ce chef d’accusation. Signataire de la Convention européenne des droits de l’homme, le pays, qui ne désespère pas de rejoindre l’Union européenne (UE) un jour, est marqué par les pratiques arbitraires, en matière de justice surtout.

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