Le protectionnisme de Trump s’appuie sur une vision dépassée de l’économie

27 - Janvier - 2017

Le protectionnisme de Trump s’appuie sur une vision dépassée de l’économie

L’affaire n’a pas traîné. A peine investi, Donald Trump a mis en œuvre ses promesses et décidé de placer le protectionnisme au cœur de sa politique économique. Menace de taxer les industriels qui délocalisent leur production, retrait du traité transpacifique (TPP) que Barack Obama avait signé, demande de renégociation de l’accord de libre-échange avec le Mexique et le Canada (Alena) ratifié en 1993 par Bill Clinton.
Le président de « l’Amérique d’abord » espère changer les règles du jeu mondial pour défendre les travailleurs des anciens Etats industriels (la Rust Belt, « ceinture de rouille ») et réduire son déficit extérieur abyssal, qui atteint 475 milliards de dollars – quand, dans le même temps, l’Allemagne engrange un excédent de 300 milliards et la Chine de 265.

La philosophie commerciale de Trump, approuvée par les syndicats de l’industrie traditionnelle, remonte aux années 1980, lorsque l’Amérique était envahie par les produits japonais, au détriment du travailleur américain. Trente ans plus tard, le président américain entend déclencher la riposte. Mais son approche se fonde sur une vision dépassée de l’économie.
A l’époque, il fallait réduire ses importations et maximiser ses exportations pour s’enrichir. La mondialisation des entreprises a rendu cette analyse caduque. Les économistes raisonnent désormais en chaîne de valeur : chaque pays doit apporter le maximum de valeur ajoutée dans la création d’un produit complexe. Ainsi, il n’est pas grave d’importer des iPhone « assemblés en Chine », s’ils sont « conçus en Californie », comme s’en vante Apple pour la plus grande fortune de la Silicon Valley.
Catch commercial
En outre, la dénonciation du TPP est stratégiquement absurde. Cette alliance était faite pour organiser la domination commerciale des Etats-Unis autour du Pacifique contre la Chine. Comme l’a déploré le sénateur républicain John McCain, ce retrait « est une erreur grave. Cela va offrir une ouverture à la Chine pour réécrire les règles économiques au détriment du travailleur américain ».
Trump n’en a cure. Il pousse ses pions, et la question est de savoir jusqu’où il ira. D’aucuns se rassurent, estimant que Trump pratique depuis son bureau Ovale la politique-réalité comme il fit naguère de la télé-réalité, du catch commercial plutôt que de la vraie boxe : en tuant le TPP, Trump n’aurait fait que tuer un zombie. Le traité était mort-né, Barack Obama ne l’ayant pas présenté au Congrès faute de majorité pour le ratifier.
Quant à la renégociation de l’Alena, elle pourrait prendre des années. En attendant, le président ne peut pas augmenter les droits de douane : c’est contraire aux règles de l’OMC et de la Constitution américaine, qui réserve cette prérogative au Congrès. Le président de la Chambre des représentants, le républicain Paul Ryan, a déjà prévenu : « Nous n’allons pas augmenter les droits de douane. »
Las, ce moindre mal n’est pas certain, tant la dynamique de repli du président américain est forte. Trump a d’autres armes que les barrières douanières à sa disposition, comme la réduction drastique de la taxation des entreprises américaines qui fait flamber Wall Street. Il peut aussi tordre le droit, imposer ses vues à coups d’intimidations face à des partenaires affaiblis, comme le Royaume-Uni post-Brexit de Theresa May. Aujourd’hui, nul ne sait où s’arrêtera le national-économisme de Trump.

Autres actualités

02 - Mai - 2019

Exécutions en Arabie saoudite : « La paralysie et l’hypocrisie continuent de régner au sein des nations »

Après l’affaire Jamal Khashoggi [l’assassinat du journaliste saoudien à Istanbul en 2018], le royaume saoudien s’est retrouvé au pied du mur. Etre au ban...

01 - Mai - 2019

Julian Assange condamné à près d’un an de prison pour violation des conditions de sa liberté provisoire au Royaume-Uni

Le cofondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a été condamné à cinquante semaines de prison par un tribunal londonien, mercredi 1er mai, pour violation des conditions...

01 - Mai - 2019

En Algérie, le FLN élit Mohamed Djemai à sa tête

Le comité central du Front de libération nationale (FLN) a élu, mardi 30 avril, Mohamed Djemai, un homme d’affaires de 50 ans, au poste de secrétaire...

30 - Avril - 2019

Le chef djihadiste Abou Bakr Al-Baghdadi réapparaît et entérine la nouvelle stratégie de l’EI

Abou Bakr Al-Baghdadi n’était plus apparu en public depuis la proclamation du « califat » à la mosquée Al-Nouri, à Mossoul en Irak, en juin 2014....

30 - Avril - 2019

L’extrême droite entre au gouvernement en Estonie

Pour la cérémonie de prestation de serment du nouveau gouvernement estonien, lundi 29 avril, devant le Parlement, la présidente de la petite République balte, Kersti...