Torture et persécution : la face sombre de l’Autorité palestinienne et du Hamas

23 - Octobre - 2018

« Nous allons te dévorer. » C’est la phrase qu’entendit le journaliste Sami As-Sai, en février 2017, peu après son transfert dans les locaux des services de renseignement de l’Autorité palestinienne (AP), à Jéricho. Interrogé sur ses liens supposés avec le Hamas, Sami As-Saï a été traîné avec une corde, les mains attachées, dans un couloir. Les policiers ont accroché la corde à une porte avant de la pousser lentement, pour étirer les membres. Il s’est évanoui. A son réveil, il a été frappé à la plante des pieds une vingtaine de fois. La douleur était si forte qu’après avoir été conduit aux toilettes, il n’était plus capable de remonter son pantalon seul.
Lors d’un autre interrogatoire, il a été menotté dans le dos, puis suspendu ainsi au plafond. Les policiers ont menacé de l’accuser publiquement d’adultère, de l’empêcher de revoir son son fils de 10 ans, gravement malade. Au bout de treize jours de détention, Sami As-Sai a plaidé coupable pour « incitation au conflit sectaire » et « blanchiment ». La peine prononcée de quinze mois fut ramenée à trois, puis supprimée, dès lors que l’accusé accepta de payer une simple amende. Il a donc été remis en liberté à la fin de sa garde à vue.
Rapport glaçant
Cette histoire, une parmi tant d’autres, figure dans un rapport glaçant, fouillé, implacable, publié mardi 23 octobre par l’organisation Human Rights Watch (HRW). Intitulé « Deux autorités, une voie, zéro contestation », ce document est le fruit de deux ans d’enquête, de 147 entretiens avec essentiellement d’anciens détenus, leurs proches, des avocats et des représentants de la société civile palestinienne. Le rapport insiste sur la face sombre et méconnue de l’Autorité palestinienne et du Hamas, engagés depuis 2007 dans une lutte acharnée dont la politique n’est qu’un volet.

Chacun sur son territoire applique des méthodes répressives au mépris du droit et des engagements pris, afin de contraindre les voix critiques au silence, persécuter les militants de l’adversaire, ou bien extorquer des aveux. Le paradoxe est le suivant : les services de sécurité palestiniens commettent à l’égard de leurs citoyens les mêmes abus dont ils accusent régulièrement leurs homologues israéliens. « La torture pratiquée à la fois par l’AP et le Hamas peut constituer un crime contre l’humanité, étant donné sa pratique systématique au cours de nombreuses années », note HRW.
Les officiers palestiniens placent les détenus « dans des positions douloureuses pendant de nombreuses heures à la suite, en utilisant un mélange de techniques qui laissent peu ou pas du tout de traces corporelles. » Appelé « shabeh », ce procédé de torture est le plus fréquent. Ces mêmes méthodes ont été dénoncées dans le passé par l’ONG israélienne B’Tselem, notamment en 1998, à propos des services de sécurité intérieure israéliens.
A Gaza, les forces du Hamas placent les détenus dans une pièce appelée « le bus », où ils sont obligés de rester debout pendant des heures voire des jours, ou bien de s’asseoir dans une chaise d’enfant. C’est ce qui arriva par exemple à certains manifestants en janvier 2017 qui protestaient contre la crise énergétique aiguë. En Cisjordanie, des jeunes du camp de Balata, à Naplouse, connu pour son opposition à Mahmoud Abbas, ont subi un sort encore plus violent. Zaïd – un pseudonyme – a décrit des chocs électriques de plusieurs dizaines de secondes aux épaules. Il a aussi expliqué qu’on avait attaché une corde à son pénis pendant huit heures environ, jusqu’à ce qu’il devienne bleu.

Autres actualités

19 - Mars - 2020

En Italie, les mesures de confinement seront prolongées au-delà du 3 avril

Au lendemain du pire bilan enregistré dans un seul pays en une journée, avec 475 morts en Italie entre mardi et mercredi selon le bilan officiel, le chef du gouvernement italien,...

17 - Mars - 2020

Israël approuve des méthodes de surveillance électronique de masse contre le coronavirus

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a autorisé l’usage de méthodes de surveillance électronique de masse, d’ordinaire...

17 - Mars - 2020

En Afrique, face au coronavirus, « 70 % de nos pays ne sont pas prêts »

L’économiste camerounaise Vera Songwe est depuis 2017 la secrétaire exécutive de la Commission économique des Nations-unies pour l’Afrique (CEA), dont le...

05 - Mars - 2020

« Russie, Iran et Turquie auront beau multiplier les accolades au sommet, elles n’ont pas les mêmes desseins sur l’avenir de la Syrie »

Les guerres de Syrie ne sont pas terminées, loin de là. Imaginer un retour à la « normale », un Bachar Al-Assad régnant « comme avant » –...

05 - Mars - 2020

Les limites du modèle de santé américain face à la propagation du coronavirus

L’épidémie de coronavirus aux Etats-Unis a, à la date du 5 mars, fait onze morts et, selon des chiffres officiels, touché plus de 150 personnes, mais elle...