Brésil : la disgrâce d’un président

07 - Avril - 2018

Editorial. Après la condamnation de Lula, la justice brésilienne doit faire preuve de la même attention envers les dirigeants du centre ou de la droite soupçonnés de corruption.
Editorial du « Monde ». La tentation est grande de confondre le sort de Luiz Inacio Lula da Silva avec celui du Brésil. Une nation émergente qui, sous la présidence de l’ancien syndicaliste, entre 2003 et 2010, enivrée de pétrole et gorgée de soja, de canne à sucre et de café, a réduit drastiquement ses inégalités, amélioré l’éducation, tout en brillant sur la scène internationale. Aujourd’hui, le pays renoue avec l’extrême violence, la misère persiste, tandis que les scandales de corruption ponctuent l’actualité politique.

Grandeur et décadence d’une nation. Grâce et disgrâce d’un homme d’Etat. Lula, icône de la gauche, est aujourd’hui aux portes de la prison. Condamné à plus de 12 ans de détention pour des faits de corruption, l’ancien gamin du Nordeste rechigne à se plier à la justice, s’estimant victime d’une machination orchestrée par les « élites » afin de tourner définitivement la page de la gauche et du « lulisme ».

Cette conviction, à laquelle adhère une partie du pays, s’appuie sur les polémiques et critiques suscitées par le déroulement de l’opération anticorruption « Lava Jato » (« lavage express ») et l’attitude du juge Sergio Moro. Malgré les failles, les excès parfois, ces investigations à grand spectacle ont pourtant mis au jour une réalité que personne n’ose nier : l’existence d’une corruption à grande échelle du système politique brésilien. Maires, gouverneurs, députés, sénateurs, ministres et même chefs d’Etat ont pioché dans les caisses publiques et reçu des pots-de-vin de la part d’entreprises, pour financer leur campagne ou leur train de vie. « La corruption au Brésil, ce n’est pas Lula, ce n’est pas le PT [Parti des travailleurs, gauche], ce sont tous les partis au pouvoir », explique un procureur de Curitiba, ville où est née « Lava Jato ».

Quatre ans après son déclenchement, l’opération doit démontrer au pays que l’emprisonnement de Lula n’est pas un acte politique. Que l’arrestation de celui qui restera l’un des dirigeants les plus remarquables du pays ne signe pas la fin des procédures. Après avoir touché les figures du Parti des travailleurs jusqu’à atteindre son leadeur historique, « Lava Jato » doit s’attaquer avec la même sévérité aux autres caciques des partis du centre ou de la droite.
Obstruction à la justice

La société en doute, même si certains d’entre eux, comme Eduardo Cunha, l’ex-président de la Chambre des députés, ou Sergio Cabral, l’ancien gouverneur de Rio, tous deux membres du Mouvement démocratique brésilien (MDB), ont été condamnés pour corruption. Toutefois, d’autres, inquiétés par « Lava Jato », manœuvrent en coulisse afin de « stopper l’hémorragie ». La phrase est extraite d’une conversation entre le sénateur Romero Juca et le dirigeant d’une filiale du groupe public pétrolier Petrobras, enregistrée à leur insu. Le parlementaire, qui a succédé à la tête du MDB à Michel Temer, l’actuel président brésilien, laissait ainsi entendre une volonté claire de faire obstruction à la justice. Romero Juca est visé par plus d’une dizaine de procédures, mais il continue de siéger, sans se sentir inquiété, au Sénat de Brasilia.

De la même façon, Aecio Neves, candidat à la présidence en 2014 face à Dilma Rousseff, est suspecté de corruption passive et d’obstruction à la justice. Mais son dossier n’a toujours pas été examiné par la Cour suprême, malgré la demande de la procureure générale de la République. S’ajoutent à cette liste diverses demandes de mise en accusation formulées à l’encontre de Michel Temer. Mais celles-ci restent bloquées par le Congrès.

En envoyant Lula en prison, « Lava Jato » démontre dans la douleur que personne, pas même un ancien président, si populaire soit-il, n’est au-dessus des lois. Une révolution est en marche, mais elle ne doit pas s’arrêter là.

Autres actualités

12 - Avril - 2019

Les talibans lancent leur offensive de printemps et dialoguent avec Washington et Kaboul

Les talibans ont annoncé, vendredi 12 avril, le lancement de leur offensive annuelle de printemps. Les combats, qui s’étaient déjà intensifiés au cours de...

11 - Avril - 2019

Brexit : les Européens optent pour un report flexible jusqu’au 31 octobre

Le Brexit, qui a déjà livré un lot considérable d’expressions, en a offert une nouvelle aux journalistes, mercredi 10 avril : « Halloween Brexit »....

11 - Avril - 2019

Le Soudan suspendu à une « déclaration importante » de l’armée

Au Soudan, l’armée a promis, jeudi 11 avril, une « déclaration importante bientôt », déclenchant de nouvelles scènes de liesse devant le...

10 - Avril - 2019

Au Kenya, la sécheresse et la faim frappent le nord du pays

D’un côté, il y a ces informations inquiétantes. Des images de vieillards émaciés, suffocant de chaleur sous des huttes de brindilles, qui circulent sur...

10 - Avril - 2019

Brésil : les cent jours du président Jair Bolsonaro, entre polémiques et maigre bilan

Son discours était sur le point de se conclure quand Jair Bolsonaro, grisé par sa victoire, s’est saisi du drapeau brésilien pour le faire tournoyer devant lui. Comme...